Un texte de Soumia Ouchane

Chère année 2020, les émotions de ta dernière journée sont paradoxales. La plupart ont hâte que tu finisses mais moi, j’ai envie de t’avouer quelque chose d’irrationnel : je veux que tu restes encore un peu. Quelques heures, ou quelques jours. Je ne sais pas quand sera la prochaine fois où j’aurai à vivre autant de choses insensées, simultanément, intensément.  Tu m’as fait grandir en me ramenant à l’essentiel et je t’en suis très reconnaissante.

La pandémie nous a pris de court, nous, simples mortels absorbés par toutes ces petites choses du quotidien, vivant dans nos cocons à l’épreuve de la vraie vie, avançant dans le déni de la frénésie économique et de l’avancement effrénée des ravages que subissait notre planète, ignorant le ciel fatigué des vapeurs de nos avions et les océans qui régurgitaient les déchets des bateaux de croisière, les déversant sans scrupule dans l’habitat des animaux marins.

Nous avions l’habitude de planifier nos actions et nos projets. Nos agendas étaient bouclés des mois à l’avance, toujours avec l’assurance qu’aucun imprévu ne viendra s’incruster et gâcher nos plans. Nous étions au sommet de l’égoïsme, nous sentant en parfait contrôle de nos existences jusqu’au début 2020.

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Les chaînes télévisées relayaient des informations de cette nouvelle maladie qui progressait rapidement en Chine et nous, écoutant à moitié, essayions de croire que « la nouvelles grippe » allait s’éteindre tout aussi rapidement mais c’est tout le contraire qui est arrivé. Du jour au lendemain, la Chine commence à appliquer des procédures de confinement de plus en plus sérieuses et le reste du monde lui emboîte le pas.

Des quartiers sont barricadés et des villes entières sont mises en quarantaine. Les scènes apocalyptiques de gens en combinaison anti-virus et de couloirs d’hôpitaux débordants de malades, envahissent les médias. Notre monde est soudainement plongé dans le désordre et l’incompréhension, une situation qui se prolongera plusieurs mois, au point de devenir notre nouvelle réalité, notre quotidien. 

Des gestes aussi simples que serrer la main deviennent effrayants. Prendre un café sur une terrasse est désormais un luxe que plus personne ne peut se permettre. Nous sommes tous, pour une fois, sur le même pied d’égalité. La paranoïa s’empare des populations qui ne savent plus s’il est mieux de s’entraider ou de se dénoncer et depuis, c’est le loi de la division qui gère nos comportement sociaux. Si tu ne fais pas partie d’un clan, tu fais certainement partie d’un autre parmi les pro-vaccination, les anti-masque, les covidiots, les conspirationnistes etc. 

J’ai eu mon moment de panique où, prisonnière du tumulte, je tentais désespérément de résister, de rester objective et positive. Mais c’était tout aussi incohérent que le reste qui nous entourait. 2020, tu as été si puissante que j’ai décidé de lâcher prise. Me battre contre toi est impossible. Pour une fois, je me suis donné le droit d’apprécier le chaos. J’ai arrêté de résister à son appel, me laissant aller avec les flots plutôt que de nager constamment à contre courant.

2020, en nous confinant tu nous as privés de libertés qu’on pensait acquises. Tu nous as éloignés de nos amis, de nos voisins, de nos collègues. Tu as été impitoyable envers notre nature obsédée par la réussite, le voyage, le shopping et le resto. Tu nous as imposé une retraite durant laquelle notre désespoir et créativité atteignaient leur paroxysme. C’est affreux et magique en même temps.

Lorsque nos sources de revenu ont été rompues ou drastiquement réduites, nous avons réalisé comment nous étions gâtés avant, vivant dans l’abondance et le confort. La disparition des sources habituelles de divertissement nous a appris à puiser dans le néant de nos esprits auparavant anesthésiés par un mode de vie trop standard et prévisible. 

2020 m’a apaisée et m’a rapprochée de moi-même tout en me confrontant à mes pires peurs.

Alors que je me retrouvais dépouillée de ce que je considérais mes plus grandes richesses, que ma réussite et mes projets s’évaporaient devant mes yeux sans que je puisse les retenir, j’ai fait le tour de ce qui me restait et que personne ni rien ne pouvait m’enlever. J’ai réalisé que mes véritables richesses, éternelles et inépuisables, n’étaient pas matérielles. En ma famille, en mes enfants, en mon amoureux et en les plus proches de mes rares amis, j’ai trouvé de l’amour en abondance.

On passe la majeure partie de notre vie à bâtir des carrières et des immeubles mais on oublie que l’investissement le plus rentable est celui qu’on injecte dans les relations humaines vraies et solides, ces quelques personnes clés qui seront là pour nous dire les bonnes choses lorsqu’on en a le plus besoin, pour nous botter les fesses lorsque l’envie nous prend de nous morfondre et de nous gâter avec un café au lit alors que l’anarchie règne dehors.

2020, tu peux partir en paix. Je te remercie de m’avoir aidé à faire le tri dans le superflu qui m’entourait et m’étourdissait. En t’ayant traversée, je me sens plus forte, grandie, régénérée et prête à accueillir 2021, les bras et le cœur grands ouverts.

Soumia Ouchane est chargée du marketing et des relations publiques chez Allo Destinations. Envie de lire d’autres de ses trouvailles et conseils de voyage ? Retrouvez-la à l’adresse suivante : https://allodestinations.com/blogue/